Quand j’étais un enfant, dans vers l’âge de 10-12 ans, 1995-1997, j’aimerais bien cette série, j’imagine qu’elle m’as positivement influencé, même si avec du recul ça reste quand assez cliché et rempli de dualité. Paradoxes.
MacGyver, Murdoch et l’ironie du destin
Il y a des séries qui marquent une époque et une génération entière, non seulement pour leur divertissement, mais aussi pour les valeurs qu’elles portent. MacGyver en fait partie. Diffusée de 1985 à 1992, elle suivait les aventures d’Angus MacGyver, un agent secret pas comme les autres. Là où le cinéma d’action glorifiait les flingues et les muscles huilés, lui refusait de porter une arme. Là où les héros se sortaient des situations par la force, il le faisait par l’intelligence et l’ingéniosité. À une époque où les Stallone et Schwarzenegger dictaient l’archétype du héros américain, MacGyver venait proposer une alternative rafraîchissante, humaniste et pacifiste.
L’ingéniosité du personnage tenait à sa capacité à transformer n’importe quel objet du quotidien en outil de survie ou d’évasion. Un trombone, une pile, un chewing-gum pouvaient lui permettre de désamorcer une bombe, de fabriquer une radio d’urgence ou de s’extraire d’une cellule de prison. Ce côté débrouillard, qui semblait irréel mais qui faisait rêver, était un contraste total avec les autres figures d’action de l’époque. Il y avait aussi un message implicite : les solutions aux conflits ne passent pas nécessairement par la violence. Cette posture anti-armes, qui était au cœur de son personnage, en faisait un héros atypique.
L’ennemi récurrent de MacGyver s’appelait Murdoc, un assassin insaisissable, toujours de retour après avoir été présumé mort. Il représentait l’archétype du méchant machiavélique, capable de tout pour éliminer son adversaire. La coïncidence est troublante quand on pense que l’un des hommes les plus influents des médias conservateurs s’appelle Rupert Murdoch. Il est difficile de dire si les scénaristes avaient voulu glisser un message en nommant ainsi leur antagoniste, mais le parallèle est savoureux.
Rupert Murdoch, magnat de la presse et des chaînes d’information, est tout ce que MacGyver rejetait. Patron de Fox News, du New York Post, de The Sun, et d’une myriade de médias influents, il a façonné l’opinion publique dans une direction ultra-conservatrice, favorisant systématiquement les politiques les plus dures, les plus nationalistes et les plus militaristes. Son empire médiatique a été un soutien indéfectible de George W. Bush, puis de Donald Trump, amplifiant des discours climato-sceptiques, anti-immigration, et bien sûr pro-armes.
Là où MacGyver refusait catégoriquement de toucher une arme, Murdoch a construit une machine de propagande qui a contribué à l’explosion du lobby pro-armes aux États-Unis. Fox News est devenu l’un des plus puissants relais des discours de la NRA (National Rifle Association), défendant un droit absolu au port d’armes et nourrissant la paranoïa d’une Amérique blanche se sentant menacée. Fox a fabriqué des récits où posséder un arsenal chez soi est une nécessité pour se protéger des « ennemis », qu’ils soient étrangers ou simplement des Américains jugés trop progressistes.
L’ascension de Trump n’aurait pas été possible sans Murdoch. Pendant des années, Fox News a servi de mégaphone à toutes ses outrances, minimisant ses scandales, justifiant ses politiques xénophobes et encourageant une politique de division. Loin d’être un simple spectateur du paysage politique, Murdoch a été un architecte du climat de polarisation qui fracture aujourd’hui les États-Unis.
Le contraste entre MacGyver et Murdoch est saisissant. D’un côté, une série qui prônait la ruse, la créativité, l’intelligence et le pacifisme. De l’autre, un empire médiatique qui alimente la peur, la violence et la haine. Si le choix du nom Murdoc pour le principal antagoniste de la série est une coïncidence, elle est presque trop belle pour être vraie. L’un incarne l’inventivité et la résilience face à l’adversité, l’autre incarne l’endoctrinement et la manipulation de masse au profit d’intérêts politiques et économiques.
Il est ironique de constater qu’une série comme MacGyver n’aurait peut-être pas eu le même succès aujourd’hui. Dans une époque où la télévision et les réseaux sociaux sont dominés par les discours polarisants, où le journalisme de terrain est écrasé par l’opinion déguisée en information, un personnage comme lui semblerait presque anachronique. Pourtant, il y aurait quelque chose de profondément rafraîchissant à voir émerger un héros moderne inspiré de ce modèle, une figure qui prouverait que l’intelligence et l’humanité peuvent encore être plus fortes que la force brute et la peur.
Certes, MacGyver n’échappe pas à certains clichés de son époque. Les ressorts narratifs sont parfois simples, les antagonistes caricaturaux, et le manichéisme peut sembler daté. Comme toute série culte, elle mérite d’être revisitée avec un regard critique. Mais faut-il pour autant la reléguer au rang de curiosité nostalgique ? Peut-être pas.
Car au-delà de ses limites, MacGyver portait une promesse : celle d’un autre type de récit. Un récit où l’ingéniosité supplante la violence, où la solidarité vaut mieux que le cynisme, où les conflits trouvent parfois des issues inattendues. C’est moins une leçon qu’un élan. Et si ce modèle n’a pas dominé la scène médiatique, il n’a pas disparu pour autant.
Aujourd’hui, un autre cinéma est en train d’émerger. Discret peut-être, mais vivant. Il raconte d’autres héros — ni invincibles, ni armés, mais debout. Des personnages qui réparent, qui cherchent, qui traversent le doute. Des histoires qui refusent la glorification de la brutalité et préfèrent s’ancrer dans la complexité du monde, dans les luttes de la dignité, dans les récits de transformation.
MacGyver n’est pas un modèle à reproduire à l’identique. C’est un signal. Celui qu’il est encore possible — et plus que jamais nécessaire — de proposer des récits qui n’alimentent pas la peur, mais l’intelligence. Des récits qui ne manipulent pas, mais qui réveillent. Le terrain est là. Et si Murdoch a gagné la bataille médiatique de ces dernières décennies, il n’est pas dit qu’il remportera celle des imaginaires en train de s’inventer.
Pour aller plus loin, une vidéo youtube qui retrace en détail la création de la série Macgyver :
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