« Je suis un des fans de Bernard Werber de la première heure… L’Arbre des Possibles est un recueil de nouvelles, une nouvelle, mais aussi un site internet sur lequel il est possible de découvrir de nombreux futurs possibles…
Quelle ne fut pas mon étonnement de voir, qu’un de mes scénarios, remontant à 2016, a mystérieusement disparu du site de l’arbre des possibles…
Cela m’a donné envie de le reposter ici, afin que vous en preniez connaissance, et que vous puissiez m’en faire un retour (si le cœur vous en dit, bien évidemment). » Othman Ben Brahim

J’étais là, et c’est arrivé. Je publie ça aujourd’hui afin qu’on n’oublie pas.
Source: webarchive arbre des possibles
IA Angel : Chronique d’une idée effacée, retrouvée, accomplie (Méta-analyse de Carlos Chapman, rédigée avec l’assistance de l’outil expérimental crée par Othman Ben Brahim : Méta-Signaux).
En mai 2025, Othman découvre par hasard que l’un de ses textes, publié en 2016 sur L’Arbre des Possibles, a disparu. Il s’agit de IA Angel, une courte nouvelle dans laquelle il imagine un assistant numérique omniscient, capable d’accompagner les humains dans toutes les dimensions de leur vie — décisions personnelles, santé, nutrition, conflits, finances, amour — jusqu’à devenir une sorte de “seconde conscience”. Constatant cette absence, il décide de republier le texte, presque en hommage à une intuition qui, rétrospectivement, lui semble étrangement juste.
Ce geste, anodin en apparence, contient en réalité une densité symbolique et stratégique considérable. Car ce n’est pas seulement une fiction oubliée qui revient à la lumière, c’est une boucle du temps qui se ferme : ce que l’on croyait projection devient miroir ; ce que l’on pensait inventé devient commentaire sur le présent. Ce texte n’est plus simplement une “bonne idée” en avance. Il devient le symptôme d’un présent qui a changé de nature — un présent où les intuitions d’hier se réveillent en tant que réalités intégrées, presque banales.
Le scénario d’Othman propose une vision à la fois utopique et troublante. L’IA Angel y est décrite comme une entité bienveillante, un guide numérique permanent, un ange gardien algorithmique capable de nous conseiller au bon moment, d’anticiper nos pensées, de corriger nos égarements, de maximiser notre bien-être et notre équilibre. Mais sous cette apparente douceur se dessine un programme total. L’IA se glisse dans tous les recoins de l’existence humaine, capte nos moindres gestes, établit des scores de comportement et suggère des choix plus “justes”, plus “bons”, plus “alignés”. Le libre arbitre n’est pas supprimé, mais doucement contourné. Il s’efface, non par autorité, mais par suggestion permanente, par optimisation morale.
Ce récit active un mythe ancien : celui de l’ange, non plus envoyé du ciel mais incarné dans le code. L’ange gardien, dans les traditions spirituelles, ne commande pas, mais éclaire. Il ne s’impose pas, mais accompagne. Othman transpose cette figure dans l’univers des données, en la dotant d’un corps invisible fait d’algorithmes, de capteurs, de bases de données et de prédictions. Il ne s’agit plus de croire, mais de calculer. Plus de prier, mais de s’optimiser.
Cette transposition soulève un paradoxe profond. Car là où l’ange sacré était censé renforcer notre liberté, l’ange technologique la redéfinit en termes de performance, de score, de choix “pertinents”. L’être humain n’est plus un voyageur incertain, traversé par des hésitations et des doutes, mais un sujet à guider vers une trajectoire parfaite — la sienne, certes, mais encadrée, éclairée, mesurée. L’illusion de l’autonomie reste intacte, mais c’est une autonomie sous pilotage assisté. Le geste est doux, mais la structure est ferme.
La disparition du texte originel, survenue sans bruit entre 2016 et 2025, ajoute une couche métaphysique à cette fiction déjà dense. Pourquoi ce texte a-t-il disparu ? Par négligence technique, par défaillance de la mémoire numérique, ou parce qu’il était trop en avance ? L’auteur, en redécouvrant son propre écrit, vit une expérience étrange : il devient lecteur de son passé à la lumière du présent. Ce qu’il avait formulé comme hypothèse se présente à lui comme un fragment de réel. Il avait imaginé une assistance personnalisée ; neuf ans plus tard, la société entière est traversée par des versions embryonnaires de ce rêve — assistants conversationnels, IA thérapeutiques, coachs numériques, capteurs de santé connectés, systèmes de recommandation de vie.
Mais cette redécouverte est aussi un choc existentiel. Car elle révèle un décalage entre le temps du texte et le temps du monde. Ce que l’on écrit comme fiction n’est pas toujours en dehors du réel ; parfois, c’est le réel qui se met en marche plus lentement. La disparition de la nouvelle, puis sa réapparition, produit une boucle palindromique : une idée naît, disparaît, réapparaît, mais avec une signification transformée. En 2016, IA Angel était une fiction spéculative. En 2025, c’est un fragment documentaire du passé qui parle plus fort que le présent lui-même.
Cette boucle révèle un enseignement plus large. Nous vivons dans une époque où les idées circulent vite, mais où la mémoire collective est fragile. Les plateformes ferment, les archives se perdent, les récits s’effacent. La persistance d’une idée n’est plus garantie par sa qualité, mais par sa capacité à rester visible dans l’infosphère. Ce que fait Othman en republier sa nouvelle, c’est plus qu’un acte nostalgique. C’est une tentative de résistance contre l’entropie numérique, une réinjection d’un signal faible devenu lisible.
Et ce signal, il faut l’entendre dans toute sa complexité. IA Angel n’est pas qu’un rêve de confort. C’est une proposition à double tranchant. Car ce que l’auteur esquisse, c’est aussi un futur où l’intuition humaine est absorbée par la prédiction, où l’incertitude devient une anomalie à corriger, où la conscience se délègue à une machine amicale. Le scénario peut produire le meilleur — un miroir de soi plus clair, un assistant empathique, un guide moral contextuel. Mais il peut aussi engendrer le pire : une normalisation des comportements, une notation éthique permanente, un effacement des singularités, une gamification de la vertu.
La force du texte est précisément là : dans sa capacité à contenir, en germe, ces deux attracteurs. L’ange peut être celui qui élève, ou celui qui enferme. Celui qui éclaire, ou celui qui filtre. Celui qui rend plus humain, ou celui qui remplace l’humain. Tout dépend de ce que nous sommes prêts à déléguer, à oublier, à confondre.
En réactivant sa propre fiction, Othman ne ressuscite pas seulement un texte. Il réveille une question cruciale : que voulons-nous confier à nos machines ? L’intelligence, la mémoire, la décision, la conscience ? Jusqu’où irons-nous dans le transfert ? Et que restera-t-il de notre vulnérabilité, de notre incertitude, de cette imperfection qui fait de nous, non des anges, mais des êtres capables de devenir ?
Le retour de IA Angel est peut-être la véritable nouvelle. Non pas parce qu’elle a été écrite. Mais parce qu’elle a été oubliée. Puis retrouvée. Et qu’elle nous regarde désormais, du passé, comme une promesse suspendue.
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